Amputé des bras, il nage de la Sardaigne à la Corse.
Thierry Corbalan, un homme de 50 ans amputé des deux bras, est devenu dimanche le premie handicapé à traverser à la nage le détroit de Bonifacio, large de 15 km, entre la Sardaigne et la Corse, a constaté l'AFP. Equipé d'une mono-palme, il s'est jeté à la mer à O7h30 à Santa Teresa di Gallura, au nord de la Sardaigne, et a mis un peu moins de cinq heures pour rejoindre la plage de Piantarella, sur la commune de Bonifacio, à 12h25.
"Tout s'est bien passé même s'il y avait des courants et de la houle", a-t-il raconté à l'AFP quelques minutes après son arrivée, ajoutant: "je n'ai jamais été dans le rouge".
"Quand je suis dans l'eau, j'ai l'impression d'avoir des branchies, je ne ressens ni douleur, ni courbature", a-t-il poursuivi. Thierry Corbalan a été amputé des deux bras au-dessous des épaules à la suite d'un accident survenu à l'âge de 29 ans. Ce correspondant informatique au commissariat d'Ajaccio s'est entraîné pendant quatre mois pour réaliser cet exploit. A son départ, il a nagé dans une mer où s'étaient formés des creux de 1,5 mètre. Tout au long de la traversée, il a été ravitaillé environ toutes les trente minutes par un kayak où avait pris place Franck Bruno, athlète unijambiste. "Je me suis lancé ce défi pour donner de l'espoir aux personnes handicapées qui n'y croient plus", a raconté à l'AFP M. Corbalan, précisant que cette traversée était dédiée à l'association Bout de vie de Franck Bruno. Le détroit des Bouches de Bonifacio se caractérise par des courants contraires engendrés par la rencontre entre les mers Méditerranée et Tyrrhénienne. Les fonds peuvent atteindre par endroits 4.000 mètres.
BONIFACIO (Corse-du-Sud), 27 sept 2009 (AFP)
Photos Corse Matin
Voici quelques images de l'entrainement de Thierry Corbalan : www.youtube.com/watch?v=naEfshQv5kg
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Journal de bord de la traversée de Thierry Corbalan
5h30 le réveil est symbolique car depuis un moment nous ne dormons plus, le vent est toujours là ; Nord Est pour une quinzaine de noeuds. La météo d'hier soir donnait force 3 à 4 !
Allez ! on largue les amarres pour sortir du port car le départ ne peut avoir lieu que de la dernière bouée du chenal.
La houle à notre surprise est bien présente, environ 1 mètre et Thierry est bien conscient de la difficulté en plus du courant.
J'appelle les autorités françaises pour confirmer le départ et reçois le dernier bulletin météo Nord-Est 5 à 6, mollissant cet après midi 3 à 4 !!!
La houle, le clapot avec le courant en plus, la partie est en train de se compliquer !
J'explique comment vont être les différents parcours de la traversée, seul Thierry doit se décider… On part !
7h 38 mon kayak est en place avec une longue bouée qui est elle-même munie d'un fil de pêche avec un leurre rouge plongeant pour qu'il n'ait pas besoin de toujours lever la tête pour prendre sa direction.
Voilà quelques minutes que nous sommes partis, une vague lui arrache son tuba. Avec beaucoup de difficulté, je lui remets tout en place, cette fois-ci, c'est la bonne.
Il faut trouver la cadence dans cette mer qui bouillonne.
Toutes les demi-heures nous faisons un bref stop où il peut se réhydrater. La côte italienne s'éloigne doucement mais le courant prend de la force. La houle nous malmène et le vent dans notre direction se joue de nous.
Il ne faut penser qu'au moment présent, la vitesse est faible mais nous avançons, les 3 km/heure sont à peine dépassés. Le vent se renforce, je change de cap pour me diriger sur les Lavezzi. Si la force 6 arrive, ce sera peut être moins dur sous les îles, mais elles sont encore à 10 kilomètres.
Nous sommes dans le rail des cargos mais par chance seul le Ferry Corso-Sarde est en mer et est prévenu de la tentative.
Voici une heure que nous avons pris la mer et la partie n'est pas gagnée mais tout ce qui est fait est fait.
La houle est toujours forte, je sais qu'elle s'atténuera bientôt, mais pour l'instant nous sommes sur des montagnes russes.
1h30 de nage et Thierry est en pleine forme. Nous avançons et le vent se stabilise à 20 noeuds mais il ne veut pas virer et lui reste désespérément dans le nez.
La progression est lente mais constante. Le bateau suiveur nous annonce enfin que nous sommes rentrés en eau Française, c’est une étape de plus !
2 heures de nage et Thierry se sent bien. Le courant et le vent prennent une direction plus orientée « Est » ce qui nous permet de prendre de la vitesse.
3 heures de nage et le canal des Bouches est finalement franchi. Les Lavezzi nous coupent la houle mais d’un autre côté, le vent reste en notre compagnie. Un bateau de photographe nous rejoint aussi « ça sent bon ! ».
4 heures de nage. Nous sommes sortis du courant et du vent, l'île de Piana est devant nos yeux « ça sent de plus en plus bon l’arrivée ! ».
5 heures de nage et Thierry est euphorique! Nous sommes devant la passe de Piantarella.
Petit break car les yeux de Thierry ont enflé. La violence de la mer lui remplit régulièrement le masque et comme nous ne faisons des arrêts que toutes les demi-heures le sel lui brûle ses yeux… mais ceci est un petit détail.
Les eaux turquoises nous accueillent. Le public est sur la plage et Thierry rentre dans sa légende : 5 heures 37 minutes pour traverser les Bouches de Bonifacio à la nage en monopalme en étant amputé des deux bras.
L'arrivée est remplie d'émotion et je ne vois pas un visage sans larmes, dans les yeux de tous on peut percevoir du respect et de l'admiration.
Bravo Thierry : Ce que tu viens d'accomplir c'est une bougie supplémentaire sur le chemin de vie de tout un chacun.
Je suis heureux de savoir que sur terre il y a encore des hommes comme toi.
Un souvenir ça ne s'achète pas ça se vit!
BRAVO !
Frank Bruno - Port de plaisance - 20169 Bonifacio (FR) - bout2vie@wanadoo.fr
www.boutdevie.org
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« Maintenant il faut que j'embrasse tout le monde » Une phrase prononcée avec beaucoup de sérénité et une pointe d'humour, hier à 12h20 sur le sable de Piantarella, non loin de Bonifacio, par Thierry Corbalan, étonnement frais, au sortir de son bain dominical entre Sardaigne et Corse. Jamais, sans doute, le mot exploit n'aura pris autant de sens. Thierry Corbalan, du haut de ses cinquante ans, a franchi les Bouches de Bonifacio à la nage en monopalme, soit 15 kilomètres. Jusque-là, rien de vraiment époustouflant, seulement voilà le sociétaire de l'ASPTT Ajaccio Athlétisme est, depuis 21 ans, amputé des deux bras. Là, de suite, on remet les choses à leur juste place. Les personnes valides, « normales », présentes sur la plage avaient les larmes aux yeux. Quel pied de nez à cette société apôtre de la perfection où rien ne doit manquer, même pas un cheveu, pour être dans la norme.
Thierry Corbalan, est la preuve vivante que le traumatisme de l'amputation peut-être vaincu à force volonté et grâce à un entourage omniprésent.
Hier matin, donc, à 7h43, Thierry se mettait à l'eau à l'entrée du port sarde de Santa-Teresa di Gallura. La météo n'était pas vraiment clémente avec une mer agitée affichant des creux de plus d'un mètre. Qu'à cela ne tienne, l'athl=C 3te de la Cité Impériale plongeait dans la grande bleue avec le soutien de son épouse Patricia et de l'association Bout de Vie et son porte-drapeau Frank Bruno. Une logistique importante était présente avec deux bateaux et un kayak, assurant le suivi et le ravitaillement toutes les trente minutes. Le périple pouvait commencer. Il devait le conduire, 5h37 minutes plus tard, sur le rivage insulaire après avoir vaincu les courants et avoir lutté, perpétuellement, contre la redoutable dérive.
Entouré des siens, Thierry pouvait savourer sa joie une fois remis de ses émotions: « Au départ c'était un rêve et je suis fier d'avoir été au bout. Le temps importe peu, le but du jeu était de faire cette traversée, mais tant que l'on na pas touché le sable ce n'est pas gagné ».
Une première mondiale que le sportif ajaccien a géré de bout en bout: « physiquement j'ai été bien tout au long de la traversée, et je peux même dire que j'étais en-dedans. Je m'étais bien préparé après de nombreux mois d'entraînement. Le seul problème a été le courant et les creux ce matin ».
Au-delà de la seule performance sportive, c'est un message très fort que tenait à délivrer Thierry Corbalan: « Il s'adresse à toutes les personnes différentes, pour leur dire qu'il faut oser pour réussir. La vie ne doit pas s'arrêter et c'est la grande leçon de tout cela. Vous savez, tout le temps de la traversée j'ai pensé aux messages de soutien de personnes malade ou handicapées. C'est quelque chose de très important de porter cette flamme et pour ma part je peux vous affirmer que même après des épreuves très dures la vie est belle ».
Un message fort qu'il convient de méditer.
Hervé MELA "Corse - Matin" de septembre 2009