Thierry Corbalan, handicapé et sportif aventurier qui veut aider les autres
Une détermination sans faille et une profonde bienveillance irradient le visage de Thierry Corbalan, qui tentera samedi la traversée aller-retour Corse-Sardaigne en mono-palme: 32 km à la seule force des jambes et du torse pour ce sportif de 51 ans amputé des bras.
"Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que l'on n'ose pas les faire, mais parce que l'on n'ose pas les faire qu'elles sont difficiles".
Cette citation du philosophe romain Sénèque, qui fut exilé en Corse, orne le tee-shirt de Corbalan, résumant la ligne de conduite de ce policier, ancien vice-champion de France de judo, devenu marathonien, depuis qu'un accident l'a privé de bras une nuit de 1988 sur la Côte d'Azur.
"C'était le 23 mai, à 00H14. J'avais 29 ans. Je pêchais près de Mandelieu (Alpes-Maritimes, ndlr). Ma canne a touché une ligne à haute tension de 25.000 volts et ma vie a basculé", raconte sobrement cet homme élancé, qui n'a pas la carrure d'un Rambo mais le corps souple et noueux du commando rompu à toutes les situations.
Vingt ans plus tard, il vise la traversée à la nage des bouches de Bonifacio. L'aventure intervient quelques jours après l'exploit de Philippe Croizon, 42 ans, amputé des quatre membres après avoir été comme lui électrocuté, qui a traversé samedi la Manche (33 km) en un peu plus de 13 heures. Une performance que Corbalan salue.
Chez ce "guerrier", une trempe forgée par l'effort et le goût du défi émane des yeux sombres, brillants d'énergie dans un visage taillé à la serpe.
"Je n'aime pas tellement le mot handicapé. Nous sommes seulement différents et si je m'en suis sorti c'est pour aider les autres", explique en souriant le brigadier-chef Corbalan, laissant implicitement entendre que "quand on veut on peut" et évoquant son envie d'aller vers les autres.
Fonctionnaire dans une Brigade de surveillance nocturne (BSN, devenue anti-criminalité, BAC) à Cannes (Alpes-Maritimes) jusqu'à son accident, il aurait pu être démobilisé.
Amputé, il est pourtant devenu marathonien un an et demi seulement après sa sortie d'hôpital, et il est désormais correspondant informatique au commissariat d'Ajaccio. Il s'entraîne près de dix heures par semaine en piscine ou en mer et conduit seul sa voiture aux équipements adaptés.
"Bien sûr, le sport, que je pratique depuis l'enfance, m'a beaucoup aidé. Mais je n'ai aucun regret dans la vie", explique-t-il, ajoutant: "c'est grâce à mon accident que j'ai connu mon épouse, Patricia, qui venait m'aider à manger au commissariat à Cannes".
A la retraite dans trois ans, il veut s'investir "pour faire profiter tout le monde" de son expérience, notamment dans le domaine de l'informatique.
Un an après avoir réalisé en 5H37 la traversée des bouches de Bonificio, il s'élancera samedi matin de la plage de Piantarella, près de la cité de l'extrême-sud de la Corse, où il prévoit de revenir environ dix heures plus tard.
Corbalan insiste sur son engagement auprès d'associations corses d'entraide aux handicapés, "Bout de vie" du plongeur invalide de Bonifacio Frank Bruno, et de lutte contre le cancer "Marie-Do".
"Il faut faire parler de ces gens qui font des choses formidables. Frank et Pascal, ce sont mes repères", dit-il évoquant aussi l'association "Un sourire, un espoir pour la vie" de l'ancien footballeur corse Pascal Olmetta qui aide les enfants malades et leurs familles.